"Jean-Guy Coulange consacre l’essentiel de son attention, de son travail au bruit tel que l’ont défini les théoriciens de l’information, c’est-à-dire aux sons dépourvus de sens. Le siècle dernier, celui des extrêmes, des loups, aura été aussi celui de l’explicitation. Des faits durablement inaperçus – l’inconscient, l’équivalence de la matière et de l’énergie, l’intentionnalité comme constitutive, en partie, au moins, de l’objet, de la réalité- entrent dans la clarté de la connaissance, affleurent le seuil de la conscience. Un linguiste genevois, Ferdinand de Saussure, révolutionne la science du langage. Celui-ci est un système biplan dont les composantes, phonétique et sémantique, s’expliquent par les rapports oppositifs, différentiels qu’elles soutiennent les unes avec les autres. A toute variation dans l’ordre de l’expression répond une différence dans celui du contenu et c’est proprement miracle que notre aptitude à sculpter l’air atmosphérique de telle sorte que notre interlocuteur saisisse instantanément notre pensée. Le bruit, c’est ce qui déroge à la corrélation entre les deux plans, un signifiant sans signifié ou un signifié dépourvu de signifiant. C’est la cacophonie du monde ou les accidents qui dénaturent, à l’occasion, la parole, l’essoufflement, le bafouillage, les clics (pertinents dans le parler des Bochimans) que J.-G. Coulange traque et capture, le micro en bataille, ployant sous le poids d’appareils enregistreurs clignotant comme des arbres de Noël. Voilà bien longtemps, déjà, que Pierre Henry a composé ses Variations pour une porte et un soupir et nous n’en finirons sans doute jamais d’inventorier la richesse de la Création."

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Pierre Bergounioux, novembre 2024

extrait du texte "L'allègement"